En 1913, le monde est à la veille de la 1° guerre mondiale (1914-1918). L’Europe et ses empires coloniaux domine le monde. L’Algérie, colonisée à partir de 1830, est un département français.
En 1917, la Russie tsariste devient la République Socialiste Soviétique
1918 : L’Europe se relève d’une guerre terrible. L’Allemagne est perdante et lourdement condamnée et humiliée par le Traité de Versailles. L’abomination de cette guerre engendrera la naissance de mouvements artistiques et littéraires : le Surréalisme , l’Expressionnisme…
Camus est né le 7 novembre 1913 en Algérie, à Mondovi. Il est issu d’une famille très modeste. L’un de ses instituteurs, Monsieur Germain, le remarque. Cela changera sa vie.
Alors qu’il fait des études de philosophie, il est atteint de tuberculose à 17 ans. Curieusement, cette maladie dont on pense qu’il ne se relèvera pas, lui permettra d’écrire.
Les années 30 voit la montée des fascismes en Europe : Mussolini en Italie, Franco en Espagne et Hitler en Allemagne. Nationalismes, antisémitisme et crises diverses annoncent une période noire.
En 1933, après l’accession d’Hitler au pouvoir, il adhère à un mouvement antifasciste. Il milite au parti communiste, mais le quitte en 1937.·
En 1936, il est engagé comme acteur dans la troupe théâtrale de radio Alger.· En 1938, il est journaliste à Alger Républicain.
La 2° guerre mondiale éclate en 1939.Elle va mettre le monde à feu et à sang pendant 5 ans. Les hommes vont découvrir l’horreur de la barbarie nazie.
En 1945, avec le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, ils découvrent la puissance inégalée de l’atome. Désormais, l’homme a le pouvoir de s’autodétruire.
Ce constat débouchera en littérature, sur l’absurde
En 1940, il quitte Alger et s’installe dans la région de Lyon où il commence la rédaction de L’Etranger. Il s’engage dans le réseau de résistance « Combat »
1942, il publie L’Etranger et Le Mythe de Sisyphe. Il rencontre le philosophe Jean-Paul Sartre. Et dirige le journal Combat. ·
1944 Publication de Caligula, pièce en 4 actes commencée en 1938.
Affaiblie par la guerre, la puissante Europe voit son empire colonial se disloquer. Les décolonisations se succèdent de façon plus ou moins sanglante.
Dès 1945, des troubles graves annoncent la guerre d’Algérie (1954 – 1962).
Le 4 janvier 1960, Albert Camus se tue dans un accident de la route.
L’Envers et l’Endroit est un recueil de cinq essais publié en 1937 chez Charlot (Alger). À partir d’expériences décisives, dont plusieurs sont rattachées à son enfance, Camus médite sur « l’amour de vivre » et « le désespoir de vivre », les deux faces indissociables de l’expérience humaine. L’ouvrage, à dominante autobiographique, insiste sur le personnage de la mère, sur la pauvreté et la beauté violente de l’Algérie. Dans la préface de sa réédition (1958), Camus affirme qu’il est la source de toute son œuvre : il n’a cessé de vouloir le réécrire, ce qu’il fait avec Le Premier Homme.
Noces est un recueil de quatre essais publié en 1939 chez Charlot (Alger). Camus y célèbre avec lyrisme les paysages d’Algérie qu’il préfère (Tipasa, Djémila, Alger) ; il les met en rapport avec ceux de la Toscane, découverts lors d’un voyage en 1937. Ce recueil, qui célèbre les « noces » de l’homme et du monde, est en même temps une méditation sur le tragique de l’existence face à la beauté solaire du monde.
À l’intérieur de son œuvre, Camus distingue des cycles. Chaque cycle est constitué d’un essai philosophique, de récits ou romans et de pièces de théâtre.
Camus identifie ainsi clairement un cycle de l’absurde et un cycle de la révolte, étroitement liés l’un à l’autre dans sa pensée.
L’Absurde est ce sentiment qui provient de la « confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde » : dans un monde sans Dieu ou qui n’y croit plus, les hommes se désespèrent de ne plus pouvoir donner un sens supérieur à leur existence. Ils tentent d’expliquer leur destinée par la Raison ou la Science mais la mort vient réduire à néant leurs efforts et marque du sceau de l’absurdité toutes leurs actions. « À quoi bon ? » est la phrase qui résonne à chaque fois qu’il faut agir, résister, aimer ou vivre. Sans Dieu ou valeur supérieure pour les justifier, les hommes sont condamnés à vivre sans but qui leur survive dans un monde muet : c’est l’Absurde.
Camus à propos de Meursault : Albert Camus, préface à l’édition américaine de l’Étranger, 1955
« J’ai résumé l’Étranger, il y a très longtemps, par une phrase dont je reconnais qu’elle est très paradoxale : dans notre société, tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort. Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu’il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c’est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l’on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple, il refuse de mentir. Mentir, ce n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi, c’est surtout dire plus que ce qui est, et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu’on ne sent. C’est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. »
Essai philosophique. Constatant que la question philosophique majeure du siècle est le suicide comme réponse à l’absurde, Camus analyse diverses autres manières de lui faire face (et non de l’annuler comme le font de nombreuses philosophies) : le don juanisme, la comédie, la conquête, la création artistique… L’essai s’achève sur l’étude du personnage de Sisyphe, condamné par les dieux à pousser éternellement un rocher qui retombe sans cesse. Camus en fait le symbole de l’homme moderne qui, conscient de son destin, l’assume en faisant de sa condamnation une affirmation de sa liberté.
Pièce qui raconte le basculement du jeune empereur romain dans la démesure après la mort de sa sœur adorée, Drusilla. Découvrant que « les hommes meurent et qu’ils ne sont pas heureux », il fait régner la terreur sur son entourage et sur son peuple.
“Dès lors, obsédé d’impossible, empoisonné de mépris et d’horreur, il tente d’exercer, par le meurtre et la perversion systématique de toutes les valeurs, une liberté dont il découvrira pour finir qu’elle n’est pas la bonne”. Il devient un tyran qui impose sa philosophie de liberté absolue en faisant “un usage illimité de son pouvoir politique et surtout de son pouvoir sur les autres”.
Caligula devient “un tyran complètement dénué d’empathie” qui veut “changer l’ordre du monde”. Sa tyrannie reflète “la folie d’un Hitler” selon le contexte de 1944.
Selon Camus, “il s’agit d’une tragédie de l’intelligence”. Caligula représente “l’histoire de la plus humaine et de la plus tragique des erreurs” : “Infidèle à l’homme, par fidélité à lui-même”.
L’histoire s’inspire d’un fait réel : un homme revient dans son pays natal après avoir fait fortune à l’étranger. Il descend incognito dans l’auberge tenue par sa mère et sa sœur, espérant se faire reconnaître et leur faire une surprise. Mais celles-ci, ne le reconnaissant pas et le prenant pour un riche voyageur, l’assassinent pour le voler selon leur habitude criminelle.
Le Malentendu fonctionne comme une parabole illustrant la condition humaine selon Camus. Les personnages sont victimes d’un univers indifférent où les efforts de communication échouent tragiquement.
La révélation de l’absurdité de l’existence peut conduire au suicide, au nihilisme (ne plus croire en rien, s’abandonner au désespoir ou déchaîner sa volonté de puissance) ou au refus de l’injustice et à la révolte. Celle-ci est définie dans L’Homme révolté comme l’acte individuel mais généreux de refuser l’intolérable. En disant non, l’homme définit des valeurs morales qu’il estime valables pour toute la communauté humaine : « Je me révolte donc nous sommes » ; et il constitue cette communauté. Camus restera fidèle à cette conception de la révolte dans tous ses engagements, contre les injustices, le totalitarisme et le meurtre généralisé.
Roman. Se présentant sous la forme d’une chronique du docteur Rieux, il retrace les événements qui se sont déroulés à Oran lors d’une épidémie de peste qui a amené les autorités à mettre la ville en quarantaine. Allégorie de la guerre et du Mal, la peste révèle la lâcheté des uns et le courage des autres. Lucide sur la nature humaine, Camus n’en insiste pas moins sur les valeurs de solidarité et de générosité qui guident désormais les héros ordinaires d’un monde sans Dieu.
S’inspirant de faits réels, elle relate l’assassinat du Grand Duc Serge de Russie en 1905 par un groupe de terroristes révolutionnaires. Une première fois Kaliayev renonce à lancer la bombe sur le carrosse du tyran, qui seul concrétise l’oppression, car celui-ci était accompagné de ses deux jeunes neveux. Il débat ensuite avec ses compagnons de la légitimité du meurtre d’enfants innocents au nom de l’efficacité de l’action politique. La fin justifie-t-elle les moyens ? Fidèle jusqu’au bout à l’amour qu’il porte à ses amis et à ses convictions morales, Kaliayev assassine le Grand Duc tout en acceptant, une fois arrêté, d’être exécuté pour son crime.
Essai philosophique. Placée sous le signe de Prométhée qui se révolte contre les dieux en leur volant le feu pour le donner aux hommes. La révolte est définie comme un refus individuel de l’injustice qui s’effectue au nom de valeurs collectives. L’essai affirme que l’esprit généreux de la révolte a été historiquement trahi dans la révolution, particulièrement dans le système soviétique. Une longue et douloureuse polémique, avec notamment Breton et Sartre, suivra la publication de l’essai.
Après les figures de Sisyphe et de Prométhée, Camus remet au premier plan l’amour – qui irriguait toute son œuvre depuis Noces. Ses Carnets abondent en projets philosophiques qu’il ne développe pas et en esquisses théâtrales
La Chute est un récit sur la justice et la culpabilité où Jean-Baptiste Clamence, ancien avocat, se confesse dans un bar d’Amsterdam. Sa stratégie : utiliser l’aveu de ses propres fautes pour mieux juger autrui.
Clamence découvre sa lâcheté après avoir assisté passivement au suicide d’une femme, révélant l’hypocrisie universelle de l’humanité.
Le roman dresse un portrait accusateur de l’homme moderne : des êtres qui ne vivent plus selon leurs principes et transforment leur existence en mensonge.
L’espoir de rédemption
Camus suggère qu’une rédemption collective reste possible par l’acceptation mutuelle de nos limites et de notre culpabilité partagée.
En essence : révéler notre déchéance morale universelle pour faire naître une lucidité collective salvatrice.
Recueil de six nouvelles. Les cinq premières nouvelles qui se déroulent en Algérie ou en Europe semblent consacrer la tragédie de l’incommunicabilité des êtres et la solitude à laquelle ils sont condamnés faute de trouver les mots qui unissent et réparent leurs blessures.
Le roman inachevé que Camus était en train d’écrire au moment de sa mort. Il fut publié à titre posthume en 1994. À dominante autobiographique, il raconte la quête du passé que mène Jacques Cormery, transposition romanesque d’Albert Camus : l’histoire de son père, qu’il n’a pas connu, celle de sa famille en Algérie ainsi que sa propre enfance.
Toute l’œuvre donne finalement à voir l’espoir d’un horizon. La question de l’absurde ouvre certes sur celle du suicide mais surtout sur les raisons de survivre. « Il n’y a pas soleil sans ombre, et il faut connaître la nuit. » La pensée du tragique débouche chez Camus non sur le bonheur mais sur la mer « qui roule ses chiens blancs » et sur « l’Océan de métal bouillant ».
Sur le visage de Sisyphe qui descend vers son fardeau se dessine le sourire de la liberté. L’Homme révolté s’achève sur la pensée de midi : « Nous portons tous en nous nos bagnes, nos crimes et nos ravages. Mais notre tâche n’est pas de les déchaîner à travers le monde ; elle est de les combattre en nous-mêmes et dans les autres. »
Philosophe, il a affirmé que « la liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu’exaltante » et que les lois de l’esprit sont plus fortes que celles de l’histoire ou de ses avatars modernes. Homme enfin, il nous rappelle que, si nous ne sommes jamais totalement innocents et portons chacun notre peste, un homme est « celui qui s’empêche » et fixe des limites devant l’horreur et le mensonge.